A Kerlouan, la chapelle Saint-Égarec, édifiée au XVe siècle côtoie, selon les principes religieux d’antan, une fontaine souterraine dont les vertus miraculeuses permettent, dit-on, de guérir les maux d’oreilles, mais aussi ceux des yeux. C’est chose entendue, si je puis dire. L’eau est le plus important des éléments naturels pour la vie et pour la santé des hommes. Et si besoin est, l’archéologie a démontré que l’eau, qu’elle soit source, lac ou rivière, a depuis la préhistoire fait l’objet de cultes. De là, à ce qu’on appelle ladite fontaine « de Saint-Égarec », il n’y a qu’un pas raisonnable que nombre de nos grands anciens ont aisément franchi.
Un second saint s’invite
Lors des travaux de rénovation de l’édifice au tout début des années 1970, une statue en kersantite, prétendument trouvée dans le grenier du presbytère, est scellée sur la margelle en pierre ceinturant la fontaine. Ce repère vertical permet de localiser au beau milieu du champ contigu l’endroit exact où les paroissiens venaient solliciter des grâces. D’aucuns diront alors que la statue ainsi exposée n’est autre que celle de Saint Hervé. Comme c’est bien souvent le cas, l’identification du religieux résulte d’un détail relevé sur la statue : un canidé accompagne l’homme qui, dans la légende, était aveugle. Entre chien et loup, peu de différence, sauf que…
Le temps passe sur cette affirmation que chacun propage selon ses moyens. La littérature documentaire s’en fait l’écho, à tel point qu’il n’existe aucun ouvrage ne mentionnant pas la présence de Saint Hervé, gardien de la fontaine du lieu-dit Saint-Égarec .
Cinquante ans plus tard, des recherches un peu plus rigoureuses révèlent une incohérence majeure : l’animal fait corps avec le saint. Or, dans l’histoire de Saint Hervé, ce dernier atteint de cécité se fait conduire par un loup, qui est distinct de la sculpture. Il y a donc manifestement une erreur d’identité.
L’identité du saint démasqué
Récemment, des investigations plus poussées ont permis de confondre l’intrus, et de lever toute confusion. Il s’agit de Saint Brévalaire, pour lequel aucun doute n’est permis. Le saint patron de notre commune bénéficie d’une réplique statufiée en l’église de Loc-Brévalaire. Tout est bien qui finit bien.
Quoi qu’il en soit, les vertus de la fontaine de Saint-Égarec existent bel et bien, et guérissent les maladies des oreilles et des yeux. Il n’est pas question de les remettre en cause. Il n’empêche, à défaut d’écouter ce qui se disait alors, il aurait mieux valu regarder de près la statue. Cela aurait permis d’éviter ces quelques imbroglios en chaîne.
En définitive, la fontaine de Saint-Égarec était surmontée de la statue de saint Hervé, qui tout compte fait, n’était autre que saint Brévalaire.
Sanctus, sanctus, sanctus !
Oh ! j’oubliais, depuis peu une nouvelle irrégularité vient s’ajouter à ce qui précède : le terrain sur lequel la chapelle a été construite, appartient non pas à la commune de Kerlouan, mais à un particulier résidant dans le Calvados.
Tiens, à ce propos, le breuvage issu du département éponyme guérit, paraît-il, de certains maux sans qu’on sache vraiment lesquels.
Mais, ça, c’est une autre histoire…
Fleuron Bleu