La maison médicale et sociale : un désastre économique annoncé ?

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Le compte-rendu du conseil municipal du 18 novembre 2020 nous apprend que l’attribution des lots du marché de travaux de la maison médicale et sociale (« coût global estimé » (sic) en juin 2019 de 2 523 000 €) a été conclue.
Mais toujours aucune réflexion sur la nécessité, et le rapport utilité/dépenses de ce lieu proposé il y a 7 ans - par l’opposition d’alors - et refusée par la maire, alors que tant de choses ont changé depuis !

Kerlouan n’est pas un désert médical

Un site privé sur la santé, qui note les hôpitaux (à prendre donc avec des pincettes) a fait une carte de France des « déserts médicaux » à partir de chiffres officiels [1].
Sont pris en considération trois critères, discutables, mais qui peuvent être une base de réflexion : le nombre de médecins généralistes accessibles, le temps pour accéder aux services d’urgence et le temps d’accès à une pharmacie [2].
Critères très restrictifs car considérer que plus de 10 mn d’accès à une pharmacie révèle un manque est un peu exagéré, tout de même.
L’APL (accessibilité potentielle localisée), est un indicateur utilisé « pour mesurer l’adéquation spatiale entre l’offre et la demande de soins de premier recours à un échelon géographique fin ».
L’APL est un indicateur local, disponible au niveau de chaque commune, qui tient compte de l’offre et de la demande issues des communes environnantes, que le maire de chaque commune ne peut donc pas ignorer.

Inégalité d’accès aux soins et déserts médicaux
Paramètres concernant Kerlouan.

On le voit sur la carte, toute la côte est à plus de 35 mn d’un poste d’urgence, et c’est donc sur ce point que nous devrions nous battre, ensemble, toutes les communes concernées, afin de mutualiser nos forces et nos attentes communes.
L’APL de Kerlouan est 4,8 avec deux médecins à Kerlouan, et n’oublions pas ceux de Plounéour-Brignogan-plages, dont le nombre va augmenter, et Guissény.

Comme l’a souligné le conseiller municipal Jean-Yves Colleau [3] il y a déjà trois maisons médicales sur 8,5 km, de bourg à bourg, soit la présence de 8 à 10 médecins dans les communes alentours".

Il n’y a donc besoin, en aucune manière, de maison médicale à Kerlouan.

Un projet intégrant des logements destinés aux personnes plus âgées qui désirent rester à la fois à Kerlouan et dans un lieu à elles, autour de la maison médicale, comme le fait La Forest-Landerneau [4] est la solution qui correspond à la fois aux besoins et à l’équilibre budgétaire.

Ce type de projet se développe actuellement partout en Europe, car il correspond aux besoins, au mode de vie et aux désirs des séniors : rester près de leur espace familier, dans un lieu plus sécurisé, à leur mesure, près d’un espace médical.

La comparaison du projet forestois avec le projet kerlouanais est stupéfiante :

« En fait, trois bâtiments sont prévus autour d’une voie centrale. Le premier accueillera la maison médicale et deux T3, à l’étage. Il fera 185 m², avec accès par un escalier extérieur. Une maison T4 avec garage prendra place aussi sur le terrain, ainsi qu’un semi-collectif (logements individuels superposés avec entrées privatisées) de quatre logements (deux T2 et deux T3), avec balcon et jardin. Quinze places de stationnement, dont cinq devant la maison de santé, seront créées. L’architecte est Abaqe, de Brest. Coût de l’opération : 976 764 €. »

Le projet kerlouanais coûte 258 % par rapport au forestois, soit plus de deux fois et demi plus !
Donc, même sans aucune subvention, il revient infiniment moins cher !

Si toutes les subventions demandées sont accordées il restera 77,29 % du « coût global estimé » à la charge des Kerlouanais·es

Cette maison « médicale et sociale » sera financée, pour l’heure, par les impôts des Kerlouanais·es : elle est partie pour être un fiasco.
En effet, selon le maire ce sont 280 000 € de subventions qui ont été accordées, et une seule autre, de 293 000 €, est en attente. Mais on ne connaît pas les conditions que la maison médicale et sociale devra respecter en échange de ces subventions.

Le total des subventions demandées n’arrive qu’à 22,71 % du total des dépenses prévues, dans le meilleur des cas, car on sait que les prévisions de dépenses augmentent systématiquement dans les structures institutionnelles.

Dans la bouche du maire ces moins de 25 % de subventions éventuelles deviennent « presque 30 % ». C’est dire comme l’information est déformée pour faire accepter ce qui semble plus un caprice qu’une réelle réflexion pour le bien-être des habitants et touristes.

Le tout sans intégrer les dépenses du projet architectural déjà choisi, et payé.

De quoi sera donc faite cette maison médicale et sociale (« médico-sociale ») ?

Jusqu’à présent, rien de médical, les médecins sollicités ayant refusé, y compris pour des raisons d’accessibilité architecturale, un comble pour un lieu destiné à recevoir des patients, en particulier âgés et/ou handicapés.
Pas non plus d’orthophoniste, en manque cruel dans le Finistère, ni de dentiste, dans le même cas. En réalité aucune profession remboursée par la sécurité sociale.

Restent des professions paramédicales, ostéopathe, éthiopathe, naturopathe, sophrologue, réflexologue plantaire, etc., qui ne sont pas reconnues par la CPAM, et ne pourront donc payer un loyer que si la clientèle est là.
Ce qui est loin d’être évident dans un lieu aussi excentré.

Devant de tels doutes, un tel investissement, et dans les conditions de crise économique actuelle, accentuées par la pandémie, il est indispensable de fournir toutes les informations aux Kerlouanais·es, et d’en parler, au lieu d’engager la commune aux dépens de ses habitants.

A l’heure où nombre de professionnels sont sinistrés, au bord de la faillite, à cause de la pandémie du covid-19, et alors que nous ne savons toujours pas de quoi seront faites les années à venir, économiquement, un tel investissement ne peut se prendre à la légère.

Afin d’informer en toute neutralité tou·tes ceux·elles qui se soucient du devenir de Kerlouan, le collectif Les ami·es de Kerlouan, a demandé à la mairie les divers documents de base, budgets, devis, etc. concernant la maison médicale et sociale.

Jusqu’à ce jour il n’a eu aucune réponse.

NOTES :

[1Données statistiques publiques (Open Data) réalisées par l’équipe du Dr Stéphane BACH. Les indicateurs utilisés sont ceux de la DREES Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques et de C@rtoSanté afin de définir un désert médical ou sont situés les territoires de vie santé les plus fragiles.

[2Est un désert médical, une zone qui cumule les trois difficultés suivantes l’accessibilité potentielle localisée (aux médecins généralistes est inférieur à 2,5 (consultations/an/habitant), la première pharmacie est située à plus de 10 minutes de trajet motorisé et le premier établissement de soins d’urgence est situé à plus de 30 minutes de trajet motorisé.

[4Projet conçu en avril 2016.

Posté le 1er décembre 2020