La communication de la mairie : un vide sidéral

Temps de lecture estimé :  7 minutes

Voilà bientôt un an que le nouveau conseil municipal a été élu.
Un an, même avec la pandémie, les confinements, les couvre-feu, les masques, la vaccination, et autres aléas, c’est pas peu. Un sixième du mandat.
Si le mandat durait une heure, on aurait déjà passé 10 minutes, c’est pas rien.
Avant de tenter un bilan (qui risque d’être vite fait), nous nous sommes penché·es sur la communication officielle – écrite – des élu·es de Kerlouan.

Le prône

Pour commencer, fait étonnant, ce mot est d’abord et avant tout utilisé à Kerlouan, et quasi uniquement ici.
Essayez de chercher dans votre moteur de recherche la combinaison « journal municipal prône », et c’est bien la petite commune de Kerlouan qui arrive en premier !!!
Ce qui fait du titre « Le prône de Kerlouan » quasi un pléonasme.

Allons un peu plus loin, qu’est-ce qu’un « prône » ? Le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) nous apprend que c’est une « instruction, accompagnée d’avis, qu’un prêtre fait aux fidèles à la messe paroissiale du dimanche. Synonymes : homélie, prêche, sermon ».
L’homélie étant, quant à elle, un discours moralisant, ennuyeux, on comprend mieux ces papiers format A3 pliés en deux, grisâtres, parfois illisibles, et sans attrait, qui, de semaine en semaine, nous servent une liste d’instructions légales et d’adresses de – toujours les mêmes – commerçants, artisans, et même voyante, sans jamais une seule nouvelle, une seule nouveauté, qui n’en finissent pas d’être vides d’intérêt.

Sans oublier la place proportionnellement énorme qu’occupe l’église dans ce bulletin municipal d’une commune de France, donc séparée d’icelle, laïque, depuis 1905, et qui, d’ailleurs, n’apprend rien de plus non plus à ceux qui la fréquentent qu’ils ne sachent déjà.

C’est donc ça : le « prône » est le prêche, le sermon des élus, que l’on subit hebdomadairement, et dans lequel on ne peut que constater qu’ils n’ont que bien peu à dire à leurs ouailles, euh, je voulais dire leurs administré·es.

Le journal

Le magazine semestriel paraît pour la première fois de cette nouvelle mandature en janvier 2021. Il ne s’est sûrement rien passé depuis l’élection dans la commune, rien à noter, rien à dire.
Un·e Kerlouanais·e qui l’a reçu dans sa boîte à lettres (habitant sûrement le bourg) nous envoie son expérience de lecture. Qui vaut d’être partagée, et que, donc, nous vous partageons.

Analyse du journal

L’autre jour, je lisais le journal municipal de manière un peu distraite. En effet, les seize pages proposent plusieurs rubriques, sans doute un peu moins intéressantes qu’auparavant. Entre les photos et les blancs, les textes à l’étroit sont réduits faute de mots. Au fur et à mesure de ma lecture, je me suis pourtant attaché à quelques points de détails. Les paroles s’en vont, les écrits restent. Et très vite, j’ai compris qu’il y avait matière à critiquer.

• Page 4 – « Journée Citoyenne – Berrwiller »
Certes, nous aimons bien nos amis alsaciens, et personne ne pourra nous le reprocher. Mais que vient donc faire le nom de la commune de Berrwiller dans le coin droit en haut de page de notre journal municipal, même si elle est située à 13 Km d’Orschwihr, ville jumelée à Kerlouan ? A moins qu’il s’agît d’une incitation effrénée à participer à une « journée citoyenne » – mentionnée deux fois en titre - sur place, dans le Haut-Rhin…

• Page 5 - « Les communes littorales », sont définies par l’article L. 321-2 du code de l’environnement comme les communes de métropole et des départements d’outre-mer, riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares. Ainsi, Kerlouan se distingue de ces communes en devenant une « commune littoral » !

• Page 5 – « Mémo urbanisme » - Dans le deuxième pavé intitulé « Permis de construire », on lit cette curiosité incompréhensible.
Aménagement des combles (si non-aménageables) : cela manque singulièrement d’explications, n’est-ce pas ? ou alors c’est peut-être une nouvelle gaffe administrative ?

• Page 7 – Il faut que vous le sachiez : la crêperie située à Rudoloc a profité du départ en retraite de sa propriétaire, pour modifier son nom. Ainsi, d’après le journal municipal, « Le marronnier » est devenu « Les marronniers ». Certes, le pluriel est souvent plus avantageux, mais on s’en tiendra là. En revanche, il est pertinent de se poser une autre question : le boucher-traiteur du bourg n’aurait-il pas mérité lui aussi, un petit hommage à la hauteur de ses activités professionnelles pour une clientèle somme toute kerlouanaise ?

• Page 8 – « UNC – Fédération de l’union nationale des combattants du Finistère »
Si j’étais ancien combattant, je ne comprendrais pas pourquoi l’AOMR29 s’est glissée pour moitié dans l’article consacré à l’UNC29.
Si j’étais officier marinier en retraite, je ne serais pas rassuré que notre association soit intégrée en tapinois dans la rubrique consacrée aux anciens combattants.
Ou alors, il aurait fallu tout simplement changer le titre. Mais est-ce trop demander ?

• Page 9 – Le mot « Zoum » au lieu de Zoom, même le correcteur d’orthographe le souligne en rouge. En l’occurrence, il s’agit d’un déplacement ou « travelling » qui, grâce à un objectif à focale variable composé d’une partie fixe et d’une partie mobile, modifie la distance focale. « Zoum » ne veut donc rien dire, et malheureusement le chemin de mémoire en arrive à perdre sa souvenance.
Tout compte fait « Zoum », c’est bien mieux que « Boum » !

• Page 10 – Sur l’extrait de carte Google Earth, le titre qui commence par « emplacements » méritait une majuscule, ainsi que le mot « Atlantique » qui est un nom propre. Des détails, me direz-vous…
Oui, mais les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail.

• Page 11 – « TRO AR BARREZ 2020 » - Deux pages sur le sujet, c’est presque un exploit sportif ! Dommage que la dernière partie « Le vélo, autres animations » pèche par un excès d’optimisme déconcertant. Quelques fautes sont encore présentes :
Paragraphe 3 - C’est donc 30 août 2020 : Ne pas oublier l’article défini « le »
Paragraphe 4 - C’est le maire Christian COLLIOU qui a eu le dernier mot en déclarant : « La vie continue. » Bis repetita car déjà mentionné à l’avant-dernier paragraphe du fameux Édito (page 1). Si, à Kerlouan, la vie continue, il n’y a donc aucun problème… Tout va bien.
Paragraphe 11 – « Ell » est gratuite. Il manque un « e ».

• Page 13 - Un concours intitulé « votre commune au microscope » est proposé à la page 13. C’est véritablement passionnant, surtout quand on n’a pas de microscope… La rédaction manque-t-elle réellement de sujets au point de combler les vides avec ce genre de rubriques ? A quand une grille de mots croisés et des rébus ? Ou même des concours de coloriage, tant qu’on y est.

• Page 14 - « La nouvelle équipe municipale a mis en place un de ses projets : créer un conseil municipal des jeunes (CMJ) ». Puisqu’il faut bien rendre à César, ce qui appartient à César, cette phrase est tout bonnement mensongère. Ainsi, cette initiative que s’attribue la nouvelle municipalité n’a jamais fait partie de sa profession de foi, mais a été proposée par les deux listes d’opposition lors de la campagne électorale des municipales 2020. Ce n’est pas parce qu’il s’agit du passé, qu’il faut le travestir.
• Enfin, et la chose est loin d’être banale, il n’existe aucune trace des mentions obligatoires sur la publication.La commune de Kerlouan serait-elle hors-la-loi ou du moins ne serait-elle pas soumise aux lois de la République, qui oblige, pour un périodique, à ce que ces mentions figurent dans un pavé de texte, appelé l’ours ?
Proposition pour un prochain concours de recherche au microscope : trouvez l’ours, légalement obligatoire, alors que le conseil municipal, dont le maire s’est vanté qu’il soit « expérimenté », autrement dit, que ce ne soit pas leur premier mandat, ne respecte toujours pas cette obligation ?

Et pourtant, ce n’est la place qui manque dans la revue. Les surfaces inoccupées sont assez nombreuses, si l’on juge par le remplissage grossier des rubriques en mal de texte. Rien que le pavé réglementaire avec les mentions obligatoires aurait pu absorber un espace suffisant pour compléter l’édition.
Il suffit de regarder la pauvre page 14, aussi triste qu’un jour sans pain, consacrée à nos jeunes élu·es. Eux auraient mérité bien plus de considération et de reconnaissance. Sans commentaires.

Quant à la page 15 « Memento », on bascule dans un autre monde qui se veut informatif et où affluent quelques illustrations originales :
• Service destion des déchets !? = service destination ou service de gestion
• Cimetière : Portail ouvert le vendredi de 9h à 17h (accès avec un véhicule). Et les autres jours, c’est fermé ? Et ceux qui n’ont pas de véhicule ne peuvent donc accéder au cimetière ?
• La personne chargée de l’accueil dénommée « Odile » n’est plus en poste depuis janvier 2020. Comment se fait-il qu’elle soit toujours mentionnée dans l’organigramme de la mairie ?
Ou alors est-ce un emploi fictif ? Ce qui constituerait un délit…
« [...] le délit d’abus de biens sociaux résultant du versement de salaires rémunérant un emploi fictif est une infraction instantanée, consommée lors de chaque paiement indu » [1].

D’ailleurs, cette litanie primaire est un fourre-tout plutôt guilleret : soins palliatifs, soins continus, sauvetage en mer, déchets, cimetière, médecins de garde, infirmières de garde, pharmacies de garde, voire assistante sociale.
Il manque l’adresse de la morgue, de l’institut médico-légal, de la chambre funéraire, ainsi que la marque du corbillard…

Entre nous, à quoi cela sert-il de mentionner dans une revue semestrielle toutes ces informations « utiles » qui, chaque semaine, bordent le cadre des informations diffusées par le mal nommé « Bulletin » [2] municipal ?
Que de redondances ! Que d’inepties ! Que de lourdeurs !

En définitive, quelle honte de diffuser une telle feuille de chou complètement inadaptée à son rôle premier qui est d’informer nos compatriotes.

Allez, espérons que le prochain numéro, qui devrait paraître cet été, ne nous fera pas l’apologie de la fin du monde.

Le site web

Un autre jour nous vous parlerons du site web, qui semble en état de mort cérébrale...

NOTES :
Posté le 8 février 2021